Par — 4 décembre 2018 à 07:43
Marche pour le climat à Paris, le 13 octobre 2018. Photo Denis Allard pour Libération
Abandonner les projets de nouvelles autoroutes, taxer les transports les plus polluants.... Il est temps de changer nos modes de vie et nos mobilités pour mieux articuler justice climatique, sociale et territoriale.
- Marchons le 8 décembre pour la solidarité climatique !
Tribune. En décembre 2015, lors de la 21e Conférence mondiale sur le climat, nous célébrions la signature de l’accord de Paris, qui entendait limiter le réchauffement mondial à 2°C et si possible viser 1,5°C. Trois ans après, le compte n’y est pas. La France, pays hôte, ne tient pas ses propres engagements. Il en est de même de la très grande majorité des pays, dont certains se sont même retirés de l’accord. Par voie de conséquence, le climat se réchauffe bien au-delà des objectifs de la COP21.
La démission de Nicolas Hulot fin août et la nouvelle publication du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) début octobre ont contribué à enclencher un réveil citoyen autour des enjeux écologiques qui deviennent prioritaires. Il s’est exprimé notamment par les deux marches pour le climat, le 8 septembre et 13 octobre derniers, qui ont réuni des dizaines de milliers de citoyens dans différentes villes françaises.
Plus récemment, la problématique de la justice sociale surgit avec force avec le mouvement des «gilets jaunes», né en réaction à la hausse des taxes sur les carburants, perçue comme socialement discriminante. Nous partageons le constat d’injustice sociale de cette mesure. En effet, en France, les très riches émettent 40 fois plus de carbone que les pauvres, mais les pauvres paient 4 fois plus de taxe carbone en pourcentage de leur revenu.
Nous pensons qu’en l’absence de solutions alternatives, cette seule hausse des taxes sera insuffisante pour conduire à des économies d’énergie et à la réduction de pollutions, d’autant plus qu’elle ne concerne qu’une petite partie des produits pétroliers et que seule une partie minoritaire des recettes de cette taxe est réellement affectée à la transition écologique.
Cela dit, nous sommes tou·te·s convaincu·e·s que l’évolution du climat exige une réduction rapide de nos consommations et pollutions. Face à ces enjeux qui engagent l’avenir de l’Humanité, notre génération va devoir réinventer notre mode de vie et nos mobilités pour mieux articuler justice climatique, sociale et territoriale. C’est un défi sans précédent qui exige de l’intelligence et de l’unité.
C’est pourquoi nous nous sommes accordés, sur l’initiative du collectif #Unispourleclimat, sur les revendications suivantes pour lesquelles nous nous engageons :
1. Articuler justice climatique, sociale, fiscale et territoriale : la réduction des inégalités économiques et territoriales est nécessaire à la réduction des prédations et pollutions. Il faut compenser la mobilité contrainte des plus pauvres, renforcer les chèques énergie, rétablir la progressivité de l’impôt. Mettre fin à l’évasion fiscale des multinationales et des 1 % les plus fortunés, instaurer une taxation sur les transactions financières et redistribuer les richesses. Pour faciliter une transition écologique socialement juste, il faut augmenter les salaires, les pensions, les retraites, les indemnités de chômage et les minima sociaux, plafonner les revenus, rétablir l’ISF.
2. Réduire les mobilités contraintes : mettre en place des politiques d’aménagement du territoire qui diminuent les déplacements imposés aux personnes et les transports des marchandises, des circuits courts, des emplois et des services publics plus proches des domiciles, des services mobiles dans les zones rurales. Partager le travail en réduisant le temps de travail. Limiter l’étalement urbain. Abandonner les projets de nouvelles autoroutes qui favorisent l’usage de la voiture, contribuent à l’étalement urbain et à l’artificialisation des sols. Retourner à une gestion publique du réseau autoroutier en affectant les revenus des péages à la transition écologique.
3. Appliquer le principe pollueurs-payeurs : mettre fin à toutes les subventions aux énergies fossiles et aux taxes sur les transports en commun peu polluants, mais taxer les transports les plus polluants : avions (kérosène), camions, bateaux (fioul lourd). Nous demandons que l’ensemble de ces recettes soient réinvesties dans la transition écologique des mobilités, pour développer les transports en commun et de nouvelles lignes ferroviaires, le maintien des petites lignes ferroviaires, le covoiturage, le vélo, le fret ferroviaire. Il faut réorienter l’épargne sur les livrets de développement durable vers des activités 100 % durables et solidaires au lieu de l’investir dans les énergies fossiles. Interdire à terme la production et l’importation des véhicules essence et diesel. Par ailleurs, il faut engager une mutation de notre modèle agroalimentaire vers une alimentation biologique, relocalisée et moins carnée.
4. Mettre fin à la précarité énergétique : il faudra investir d’une manière massive dans la rénovation des logements pour une économie de l’énergie et des coûts engendrés. Pour permettre à chacun l’accès à un logement économe en énergie, divers outils sont à mettre en place ou à renforcer : le recours à un système de tiers payant, la prise en charge du coût de l’audit énergétique, le doublement du fonds chaleur pour favoriser une baisse de la consommation dans les habitats collectifs, des prêts à taux réduit ou à taux zéro pour des investissements économiseurs d’énergie à destination des plus précaires, doublement du chèque énergie. Nous demandons que soient développés et améliorés les réseaux de chauffage public.
5. Créer des millions d’emplois pour le climat : développer les filières d’avenir (énergies renouvelables, rénovation des bâtiments, réseau de chaleur, économie circulaire, véhicules propres) et accompagner socialement ces mutations.
6. Organiser des états généraux décentralisés de la solidarité climatique : ouvrir à tous les échelons territoriaux, des lieux d’échange multi-acteurs autour de cahiers de doléances, pour décider ensemble des politiques de la transition écologique et solidaire à mettre en œuvre en matière de fiscalité d’urbanisme, de transport, d’énergie, et d’agriculture. Une simple concertation ne suffit pas. Durant ces états généraux, mettre en place un moratoire sur la hausse des taxes pétrolières. Il y a urgence.
7. Mettre en place des normes écologiques sous contrôle syndical et citoyen dans les conseils d’administration des entreprises. Le renforcement du poids des salariés et des associations de consommateurs sur la production est la garantie du respect des engagements de l’accord de Paris et plus globalement d’une production compatible avec l’urgence sociale et climatique.
8. Exiger que la France tienne les engagements qu’elle a pris lors de la COP 21 en matière de réduction des GES, c’est-à-dire une baisse mesurable dès 2019 dans le cadre d’une stratégie zéro carbone pour 2050 qui nécessite que soit engagée une véritable politique de réduction de la consommation énergétique et de développement des énergies renouvelables. Dans le cadre de la COP 24, nous demandons que la France soit exemplaire et présente une feuille de route nationale bien plus ambitieuse que les dernières annonces de la PPE et défende un accord sur le climat contraignant qui intègre des mesures de solidarité climatique.
Sur ces bases, nous appelons à participer aux marches citoyennes pour le climat du 8 décembre organisées par des collectifs citoyens et des ONG #ClimateAlarm.
Les signataires: Diem 25, Écologie sociale, Ensemble !, Europe écologie les verts, Réseau coopératif EELV, Gauche démocratique & sociale, Génération·s, Nouvelle donne, Parti communiste français, Parti de gauche, Rassemblement des écologistes pour le vivant.